Rue Pierre Mauroy

Le 22 septembre 286 vit un spectacle à la fois sublime et épouvantable : une légion romaine entière, général en tête, immolée par un barbare empereur pour n’avoir pas voulu renoncer à Jésus-Christ. Cette légion était la légion thébaine ; ce général, saint Maurice, et ce tyran, Maximien. La légion thébaine portait ce nom parce qu’elle avait été recrutée en Thébaïde. Elle fut du nombre de celles que l’empereur emmena combattre la Gaule en révolte. Après le passage des Alpes, un sacrifice solennel fut ordonné. La légion chrétienne, ne voulant pas y prendre part, et apprenant qu’elle allait être employée pour persécuter des frères chrétiens, se retira près du lieu appelé aujourd’hui Saint-Maurice-d’Agaune (Suisse). L’empereur les enjoignit de se réunir à l’armée pour la fête. Mais Maurice et ses compagnons, se rappelant qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, se virent dans la triste nécessité de désobéir.

Cette désobéissance, n’était pas, pour ces braves soldats, vainqueurs sur vingt champs de bataille, un acte de félonie, mais un acte d’héroïque loyauté. Aussitôt le prince barbare donna l’ordre de décimer la légion. À voir ce bataillon de six mille hommes rangés en ordre de combat, ayant à sa tête Maurice, à cheval, avec ses brillants officiers, Exupère, Maurice et Candide, il semble qu’on eût pu craindre une résistance par la force ; mais non, les disciples de Jésus-Christ ne cherchaient et n’attendaient qu’une victoire pacifique, la victoire sur le monde, et la conquête du ciel par le martyre. Les noms des soldats sont jetés dans les casques des centurions ; six cents sur six mille vont périr; les victimes désignées embrassent leurs camarades, qui les encouragent ; bientôt le sacrifice est consommé, et la plaine ruisselle du sang des martyrs.

Les survivants persistent à se déclarer chrétiens, et la boucherie recommence ; six cents nouveaux élus rougissent de leur sang les rives du Rhône. Les autres sauront mourir jusqu’au dernier ; mais ils envoient au tyran un message avec une lettre admirable : « Empereur, nous sommes vos soldats ; nous sommes prêts à combattre les ennemis de l’empire ; mais nous sommes aussi chrétiens, et nous devons fidélité au vrai Dieu. Nous ne sommes pas des révoltés, nous aimons mieux être des victimes que des bourreaux : mieux vaut pour nous mourir innocents que de vivre coupables. » Maximien, désespérant d’ébranler leur constance, les fit massacrer tous en masse.

Une basilique fut élevée par saint Théodore dès le IVe siècle, puis une abbaye y fut créée. Le culte de saint Maurice se répandit en Suisse, en Savoie et dans les régions voisines. Dès l’origine de leur dynastie, les comtes et les ducs de Savoie le déclarèrent protecteur de leurs États. À la fin du IVe siècle, les reliques furent déplacées à Angers, il devint ainsi titulaire de la cathédrale et patron du diocèse.

Au xixe siècle, Philippe Cannissié (1779-1877), architecte de la ville (1849-1867), dirige la restauration jusqu’à sa mort. Le monument lui doit son apparente homogénéité. Il fait construire les sacristies, élevées à l’est de l’édifice entre 1859 et 1863, et les trois travées occidentales de la nef avec le clocher (1867-1877). L’église bénéficie d’un ultime agrandissement au xixe siècle car elle doit alors être promue cathédrale de Lille ; ce qui ne se fera finalement pas en raison de la construction de la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille. Philippe Cannissié fait également ajouter de nombreuses statues sur la façade ouest (1874-1875) dues à Henri Biebuyck (1835-1907), Félix Huidiez (1841-après 1906) et Jules-Victor Heyde, sculpteurs lillois.

Cet agrandissement s’accompagne de l’élargissement des voies environnantes. Au début du xixe siècle le contour Saint-Maurice était une voie étroite ne laissant qu’un faible dégagement devant la façade. La partie nord de ce contour entre la rue des Morts (actuelle rue Schepers) et la rue du Priez était la rue des Os-rongés. Des maisons visibles sur le plan de Lille de 1822 étaient accolées au flanc sud de l’église. Les maisons entre le contour et la rue Pierre-Mauroy (à l’époque nommée rue de Paris) sont détruites au milieu du xixe siècle pour dégager une place projetée en 1822. Les travées supplémentaires et la nouvelle façade sont édifiées sur une partie de cette place et le parvis qui remplace le contour et la rue des Os-rongés est élargi.